Cette réunion s’inscrit dans le prolongement d’une convention qui avait été signée en octobre 2021 par la Ville de Mamoudzou et l’Association pour le Droit à l’Initiative Économique (ADIE) pour accompagner les vendeurs à la sauvette qui pourraient l’être, vers une activité déclarée et formelle.
Dans le même esprit que ce qui avait été mis en place à Tsoundzou pour permettre aux vendeurs ambulants d’exercer « légalement », la ville de Mamoudzou a défini un périmètre « commercial » bien précis, situé à côté du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS), sur un terrain-vague, pour que les vendeurs ambulants puissent poursuivre leurs activités à Kawéni.
90 vendeurs ambulants identifiés à Kawéni éligibles à cet accompagnement
À ce stade, sur les milliers de vendeurs ambulants présents sur la zone de Kawéni, 90 d’entre eux ayant une situation administrative régulière vis-à-vis de l’Etat, ont été identifiés pour être accompagnés dans la régularisation de leurs activités. Ces personnes, qui vont bénéficier de l’accompagnement de Jacques Launay, ancien responsable du pôle Entreprise, Emploi, Economie à la Direction du travail, pourront alors vendre leurs produits sur la zone autorisée à Kawéni. Les vendeurs ambulants ayant une situation administrative irrégulière vis-à-vis de l’Etat ne pourront pas s’y installer, sous peine d’amendes et de destruction de leurs biens.
Des objectifs économiques pour « transformer l’informel en formel »
A Mayotte, d’après une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’économie informelle représenterait près de deux tiers des entreprises marchandes*, soit 9 % de la valeur ajoutée et 6 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises mahoraises, et produirait ainsi peu de richesse. Bien que l’enjeu économique soit relativement modéré, régulariser les activités actuellement informelles des vendeurs ambulants permettrait à l’Etat de dégager des recettes publiques, sociales et fiscales.
Pour Jacques Launay, ce dispositif n’a pas pour vocation à « intégrer l’économie informelle dans l’économie formelle mais bien à transformer l’informel en formel. » Dans ce dispositif, la mission de l’ancien fonctionnaire va être d’accompagner les vendeurs ambulants à obtenir une régulation de leurs activités : « Quand vous vendez sur la route vous encourez des sanctions car vous occupez un lieu public illégalement et les biens vendus sont des biens dissimulés, il faut être ainsi être déclaré (…) Mais on ne peut pas sanctionner quelqu’un qui ne connaît pas ses droits (…) Mon but c’est de vous éviter d’avoir des problèmes pour vous permettre de travailler. »
Cette formation dispensée par Jacques Launay rejoint ainsi les mots de l’économiste Nadine Levratto, lors des dernières assises de l’industrie de mars 2024, qui avait déclaré : « Au niveau légal, économique, de nombreuses actions transversales doivent conduire à donner à ceux qui pratiquent une économie informelle, des avantages qu’ils n’auraient pas en restant dans une économie informelle pour que le territoire puisse tirer profit d’une économie formelle plus développée (…) Par exemple, pour la main d’oeuvre, cela passe par une rémunération pécuniaire mais aussi par la formation. Grâce à cette démarche d’économie inclusive, qui intégrerait une population pratiquant des activités informelles, il y aurait un effet formation-sensibilisation à des bonnes pratiques, d’échange de savoirs, dans les deux sens, qui permettrait de converger vers un objectif industriel commun. »
Des enjeux de sécurité alimentaire, sanitaire et éducative
Comme l’avait soulevé Emmanuel Clerc, Directeur de la laiterie de Mayotte, « ici, l’économie formelle a du mal à répondre aux besoins, le territoire s’appuie de façon importante sur une économie informelle, qui permet souvent de répondre à des besoins primaires. »
Pour Nourainya Loutoufi, 3ème adjointe au maire de Mamoudzou, régulariser les activités commerçantes des vendeurs ambulants fait sens avec d’autres besoins et problématiques : « Nous devons aider ces vendeurs, qui sont des mamans et des papas, en les accompagnant vers une formalisation de leurs activités, pour qu’ils puissent continuer de vendre leurs produits et de faire vivre leurs savoir-faire (…) Beaucoup de vendeurs à la sauvette sont des parents, qui ont des enfants scolarisés (…) Régulariser leurs activités c’est permettre aux enfants d’avoir à manger et d’aller à l’école dans de meilleures conditions, cet objectif répond à beaucoup de problématiques, tout est lié », a déclaré la représentante municipale.
Le 30 avril, date butoir pour les vendeurs ambulants de Kawéni
Les vendeurs ambulants de Kawéni ont jusqu’au 30 avril 2024 pour se déclarer auprès de la Ville de Mamoudzou et d’intervenants tels que Jacques Launay pour faire connaître leur souhait d’être accompagnés dans cette régularisation et pour occuper le nouvel emplacement prévu pour leurs activités près du SDIS de Kawéni : « Mon objectif est de vous permettre d’être en règles vis à vis de vos obligations en tant que commerçants. Mon travail consistera à vous accompagner au mieux sur des aspects juridiques essentiels tels que l’existence juridique de l’entreprise qui doit être immatriculée à la Chambre de commerce et d’industrie, le suivi des produits que vous vendez et la traçabilité de ces produits pour qu’ils soient reconnus comme propre à la consommation », a précisé l’ancien fonctionnaire de la direction du travail.
Les risques encourus pour les vendeurs à la sauvette non régularisés
Passé ce délai, les contrôles policiers reprendront pour vérifier que les vendeurs ambulants sont bien régularisés et qu’ils exercent sur ledit lieu défini. Les vendeurs à la sauvette en situation irrégulière vis-à-vis de l’Etat ou les vendeurs régularisés qui ne respecteraient pas l’emplacement identifié pour leurs activités pourront encourir des amendes pour occupation illégale de terrains du domaine public mais aussi diverses amendes prévues dans le cadre de l’application du Code de commerce et la confiscation ou la destruction de leurs biens.
Mathilde Hangard
* INSEE, Enquête sur les entreprises mahoraises 2015