Les îles françaises championnes des délits d’atteinte à la probité ? C’est ce que révèle l’étude du SSMI et de l’AFA qui viennent de révéler les chiffres de 2023. Cette année-là, 829 délits d’atteintes à la probité ont été recensés en France avec un nombre de ce type de délit par nombre d’habitant plus important dans les Outre-mer et en Corse. L’île de beauté est en tête ex aequo avec les collectivités d’Outre-mer (Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Wallis et Futuna) avec une moyenne de plus de 4,9 délits d’atteinte à la probité par an pour 100.000 habitants entre 2016 et 2023. Mayotte, à l’instar des autres départements d’Outre-mer, en compte entre 1,6 et 4,9. Pas plus qu’à La Réunion donc d’après cette étude ! « Le nombre d’atteintes à la probité dans les collectivités d’Outre-mer n’a cependant pas progressé entre 2016 et 2023 », précise-t-elle encore.
Mais qu’entend-on exactement par « atteintes à la probité » ? D’après cette étude, « la notion d’atteinte à la probité est une facilité de langage pour éviter d’énumérer les 6 infractions pénales principales incriminées et réprimées par le code pénal délimitant la compétence matérielle de l’AFA (art.1 loi Sapin 2) : corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics, favoritisme et concussion ».
Un taux stabilisé depuis 2021
L’étude de la SSMI et de l’AFA révèle qu’après une hausse soutenue entre 2016 et 2021 (+5% par an), le nombre d’atteintes à la probité s’est stabilisé. Il était en effet de 820 en 2021, de 760 en 2022 et de 829 en 2023. En 2021, le contexte sanitaire lié à la COVID-19 a joué un rôle majeur puisque 5% des tentatives de corruption se rapportaient à l’obtention d’un faux passe sanitaire, soit au moins 15.000 tentatives. Selon l’enquête Vécu et Ressenti en matière de Sécurité (VRS), 283.000 personnes âgées de 18 ans et plus, vivant en France métropolitaine (soit 0,6 % de l’ensemble de la population de cette tranche d’âge), déclarent avoir été confrontées à une situation de corruption dans le milieu professionnel en 2021. Pour 37 % des cas, l’objectif était d’obtenir un service (une place en crèche par exemple) ou d’en accélérer l’obtention. Selon cette même enquête, moins de 1% des personnes physiques victimes d’une tentative de corruption dans un cadre professionnel portent plainte. Cependant, les procédures pour corruption peuvent également être ouvertes à la suite du signalement d’une victime personne morale ou d’un tiers ou encore à la suite des constatations faites par les services de police et de gendarmerie lors de leurs enquêtes.
La corruption est souvent liée à des infractions à la législation sur les stupéfiants
Les infractions d’atteinte à la probité sont souvent constatées concomitamment à d’autres infractions qu’on qualifie d’infractions connexes. Elles peuvent en constituer tant le support (usage d’un faux document pour détourner des fonds publics) que le contexte (corruption dans le cadre d’un trafic de produits stupéfiants). Sur l’ensemble des procédures concernant des atteintes à la probité, 36 % contiennent des infractions connexes. Entre 2016 et 2023, on compte chaque année en moyenne 14 infractions d’atteinte à la probité en relation avec des infractions à la législation sur les stupéfiants. Ces atteintes à la probité liées aux stupéfiants sont très majoritairement des faits de corruption : pour 61 % d’entre elles, il s’agit de faits de corruption active, pour 29 %, de faits de corruption passive, et pour 10 % d’autres atteintes à la probité. Selon les enquêteurs et les magistrats, la corruption, quand elle est rencontrée dans les dossiers liés au trafic de stupéfiants, est rarement retenue pour conduire des poursuites car elle est difficile à caractériser. Ceci peut conduire à sous-estimer l’ampleur du phénomène à partir des seules remontées statistiques des services de sécurité.
Ces délits concernent davantage les hommes que les femmes
Enfin, les mis en cause sont avant tout des personnes physiques alors qu’un peu plus de la moitié des victimes sont des personnes morales. Les hommes sont prédominants, aussi bien parmi les victimes que parmi les mis en cause. Les mis en cause pour des infractions d’atteinte à la probité sont en moyenne plus âgés que l’ensemble des mis en cause, toutes infractions confondues. Ils ont majoritairement entre 45 et 54 ans. La quasi-totalité (94 %) des mis en cause sont de nationalité française.
Nora Godeau