Mardi matin, nous avons eu l’immense privilège d’être accueillis par le commandant Christophe Toussaint et le Major David Thouch, au coeur d’un lieu dédié à l’accueil de jeunes en quête d’un avenir professionnel.
Au sein de locaux rénovés, peints et décorés par des jeunes, quatre agents exercent à temps plein. Le commandant Toussaint et le Major Thouch, comptent notamment sur l’appui opérationnel de deux jeunes techniciennes volontaires.
Les sélections peuvent désormais être passées à la maison du SMA
Comme l’a rappelé le commandant Toussaint, « le RSMA est un dispositif d’accompagnement vers l’emploi qui s’adresse à tous les jeunes de 18 ans et moins de 26 ans, de nationalité française. » Aujourd’hui, c’est non sans fierté, que le commandant Toussaint annonçait le déploiement de ce parcours de sélection au sein même des locaux du SMA de Kawéni : « Avant le jeune qui voulait intégrer le RSMA devait aller passer ces phases de sélection à Combani. À présent, l’ensemble du parcours de sélection permettant à un jeune d’être intégré au RSMA pourra être réalisé directement ici, à la maison du SMA de Kawéni (…) Ce dispositif va notamment permettre aux jeunes du grand Mamoudzou de ne pas à devoir se déplacer à Combani (…) On espère ainsi attirer de nouveaux jeunes, qui auraient renoncé à se déplacer jusqu’à Combani. »
Un parcours de sélection en 4 phases
Ce parcours de sélection se décline ainsi en quatre étapes d’environ 3h au total. Concrètement, si un jeune arrive à 8h, son parcours de sélection sera terminé à 11h. Nous avons pu observer la mise en pratique de ce parcours de sélection en temps réel puisque plusieurs jeunes étaient présents aujourd’hui au SMA pour espérer intégrer le Régiment du service militaire adapté (RSMA).
Pour passer les phases de sélection, une première étape passe d’abord par une visite médicale, obligatoire pour savoir si le futur jeune est apte à intégrer le RSMA. La deuxième étape est un entretien sur les motivations du jeune, réalisé par le Major David Thouch, consistant à identifier au mieux la ou les raisons qui ayant conduit un jeune à se rapprocher de la Maison du SMA et quelles seraient ses attentes. Le troisième atelier est un test d’illettrisme, pour lequel le commandant Toussaint se veut rassurant : « Ce test est non rédhibitoire puisque 62% des jeunes intégrés au RSMA souffrent d’un illettrisme grave ». En effet, le commandant Toussaint a bien précisé que « l’objectif de la maison du SMA est de guider ces jeunes vers des formations adaptées à leurs connaissances et à leurs envies, pour apprendre des règles de savoir-être et un métier. » La quatrième étape de cette sélection consiste en une vérification administrative. Si les quatre étapes se révélaient concluantes, le jeune pourrait intégrer le RSMA, après accord du colonel Guillaume Larabi, et ainsi, rejoindre le RSMA de Combani, le jour de son incorporation.
La maison du SMA connaît un franc succès
D’après le commandant Toussaint et le Major Thouch, « depuis 18 mois, 300 dossiers ont été reçus par la maison du SMA ». L’intérêt pour ces jeunes est qu’ils peuvent « choisir une filière parmi les 22 existantes au RSMA pour se former à un métier (…) Chaque année, le RSMA dispose de 650 places à pouvoir. »
« On s’adresse à des jeunes en difficulté »
Notre rédaction a eu l’opportunité d’assister à un entretien de motivation avec un jeune venu passer les étapes de sélection. Cette immersion a été un vrai cas d’école qui en dit long sur la condition de certains jeunes de Mayotte.
Le Major Thouch commence d’abord par vérifier l’identifié du jeune homme et les renseignements sur sa personne et sur son entourage, permettant d’en savoir plus sur le bagage académique du jeune et ses conditions de vie.
« Le RSMA, un démultiplicateur de potentiels »
Le jeune, qui est invité à s’assoir, ne redressera la tête qu’à de rares fois durant l’entretien. Il s’exprime difficilement en français, éprouve des difficultés à lire et à écrire. Nous assistons à une « grande souffrance » qui ne se lit que dans le regard. En une fraction de secondes, on peut cependant y lire la « lueur » dont parlait David, ce dernier regard qui veut dire « prenez-moi » même si les mots ce jour-là ne sortent pas tels quels.
Pour David Thouch, cet exercice demande un « réel effort de concentration ». Son poste exige et « apporte beaucoup d’humilité » puisque « la moitié des jeunes que l’on va insérer vivent dans des bangas, certains jeunes n’ont pas à manger, pas moyen de se laver ». C’est en répondant au besoin formulé par des jeunes qui disent souvent d’après David « je ne veux pas finir comme un voyou », que « le RSMA permet d’insérer des jeunes les plus éloignés du monde de l’emploi.
Issu d’une formation militaire, le militaire estime que son métier à la maison du SMA doit « accompagner » un jeune, et « non pas le casser » : « Je pourrais lui dire, vas-y redresse-toi, on regarde droit dans les yeux une personne, on parle fort et distinctement, mais ce n’est pas utile, mon but c’est de décrypter leur envie de sortir de la misère quand certains jeunes arrivent déjà fracassés par la vie.
Pour lui, le RSMA est « un démultiplicateur de potentiels ». Plus tard dans la journée, nous apprendrons que le jeune que nous avons suivi lors d’un entretien, qui s’est avéré difficile, aura pu être orienté vers une filière de maçon-carreleur et qu’il intégrera le RSMA d’ici deux semaines.
Si les équipes du SMA peuvent souvent avoir le sentiment de ne pas pouvoir répondre à tous les besoins de ces jeunes, cette nouvelle pour ce jeune constitue « un nouveau départ précieux », d’après David Thouch, pour un jeune que la vie n’avait pas bien fait partir.
Mathilde Hangard