Depuis plusieurs jours, le Centre de Soins et d’accouchement de Mramadoudou est bloqué par des habitants en colère. Ce centre de soins, censé être un refuge pour les mères enceintes et leurs enfants à naître, se trouve au sein d’un conflit entre des habitants en colère et les autorités de santé.
En effet, depuis plusieurs semaines, accoucher à Mramadoudou, comme à Dzoumogné, n’est plus possible, faute de sages-femmes, seules certaines consultations et la prise en charge des suites de couches sont encore réalisées.
Mais suite à la mort présumée d’un bébé, des habitants ont protesté en dénonçant l’incapacité des autorités sanitaires à fournir des services d’accouchement à Mramadoudou, en bloquant le centre de soins.
Un manque crucial de sages-femmes à Mayotte
Au coeur de cette protestation, réside surtout un manque significatif de sages-femmes à Mayotte. Alors que le territoire a été confronté à de nombreuses crises, les violences urbaines et les événements sociaux du mois dernier symbolisés par des barrages, ont accentué les départs et projets de départs au sein de la communauté médicale et para-médicale.
En effet, cette diminution du personnel médical découle principalement du contexte qui sévit sur l’île, rendant difficile le recrutement et le maintien du personnel qualifié. De plus, lors des barrages du mois de février dernier, de nombreux professionnels de santé ont dû se battre pour franchir les barrages des manifestants alors qu’ils se rendaient sur leur lieu de travail ou qu’ils en revenaient. Une sage-femme sur le départ explique : « J’aime Mayotte et mes patients mais après toutes ces crises, en plein barrages, se faire insulter, être accusée de faire accoucher des comoriennes, devoir juste batailler pour soigner, c’est inadmissible (…) c’est pour toutes ces raisons que je pars ». Cette sage-femme fait partie des 13 sages-femmes ayant actuellement signifié leur souhait de ne pas renouveler leur contrat de travail au CHM.
Les raisons de cette crise du personnel para-médical et médical sont en effet multiples. Tout d’abord, les conditions de travail difficiles et le contexte des violences qui règne dans l’île, dissuadent de nombreux professionnels de santé de rester en poste. Le manque de sécurité et les tensions sociales rendent l’environnement de travail peu attractif, poussent les salariés à chercher d’autres opportunités ailleurs.
Les accouchements à Mramadoudou et à Dzoumogné suspendus
Dans ce contexte, faute d’effectifs suffisants de sages-femmes, à Mramadoudou, comme à Dzoumogné, les accouchements ont été suspendus et les parturientes sont désormais orientées vers les CMR de Kahani et le CHM de Mamoudzou pour accoucher.
Une sage-femme en poste au CMR de Dzoumogné
A Mramadoudou, le constat est sans équivoque, où une sage-femme est en poste à temps plein, renforcée par un effectif à mi-temps, pour faire fonctionner le centre de soins et d’accouchement. Même désert médical à Dzoumogné où une seule sage-femme exerce au CMR. Face à ce manque crucial de sages-femmes, la pratique des accouchements dans ces centres de soins du Nord et du Sud de l’île a été suspendue provisoirement.
55 sages-femmes manquent au CHM
En comparaison avec d’autres communes de l’île, quatre-vingt sage-femmes travaillent à l’hôpital de Mamoudzou, vingt sage-femmes sont déployées à Kahani et dix sage-femmes exercent au CMR de Petite-Terre. La direction du CHM est formelle, « malgré les renforts, il manque encore 55 sages-femmes au CHM ».
Les effectifs des PMI, aussi en tension
Au sein des Protections maternelles et infantiles (PMI), cette vague de départs est également prise par les sages-femmes qui y exercent, « nous avons plus de départs que d’arrivées, les professionnels de santé ne sont plus motivés à rester » explique Mathilde Lozano, Coordinatrice Sage-femme PMI Mayotte.
En libéral, même constat, où une sage-femme exerçant en libéral à Mayotte depuis près de 20 ans, cherche désespérément depuis deux ans, une sage-femme pour prendre sa relève, en vain.
Cette pénurie de sages-femmes a des conséquences dévastatrices sur la santé des femmes et des nouveau-nés à Mayotte. Les retards dans les suivis gynécologiques, les soins prénataux, les complications lors de l’accouchement et le manque de suivi postnatal adéquat augmentent le risque de morbidité et de mortalité maternelle et infantile. Une fois de plus, ce sont les femmes, les mères et les nouveau-nés, qui en raison d’un contexte social difficile et faute d’un accès suffisant aux soins, se retrouvent les victimes d’une situation multidimensionnelle.
Mathilde Hangard