« Réaliser un film 100% mahorais, traitant le sujet de la délinquance et dégageant un message positif sur l’avenir de Mayotte » : tel était le défi proposé par la mairie de Koungou aux réalisateurs dans un appel à projet lancé en 2022 afin de redorer l’image de la commune. Défi relevé haut la main par les deux réalisateurs mahorais Naftal-Dylan Soibri et Mass Youssoufa. Le premier, déjà connu pour sa série auto-produite « FBI Mayotte », était présent à cette avant-première, ce qui n’était malheureusement pas le cas du second, retenu hors du territoire pour des raisons familiales. Son partenaire l’a chaudement remercié à la fin de la projection : « Mass a 15 ans d’expérience dans le cinéma, il a participé à la réalisation de plusieurs films dans l’hexagone et cela nous a permis de rester réalistes afin de venir à bout de ce projet en fonction des moyens donc nous disposions. « Cela a été une expérience collective extraordinaire, une aventure humaine incroyable ! », ajoute-il avant de confier « qu’au début il avait peur de faire ce film » au vu des sujets qu’il devait aborder. « Mais ensuite je me suis dit qu’il était important d’éclairer sur la réalité de ce que les gens vivent à Mayotte et d’éveiller les consciences. C’était aussi l’occasion de montrer les talents dont on dispose sur l’île », a déclaré le jeune réalisateur, extrêmement ému à l’issu de la projection.
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Il y avait de quoi puisque la salle, quasi comble, accueillait pour l’occasion tout « le gratin » mahorais : Yasmine Midhoir, l’adjointe au maire de Koungou qui a participé activement à l’élaboration et au financement du projet, mais également les autres financeurs comme le directeur de la Sim, une représentante de Transdev ainsi que François-Xavier Bieuville, le préfet de Mayotte. Ce dernier a d’ailleurs déclaré que « l’acte de courage » que constituait la réalisation de ce film lui faisait penser au courage qu’avait eu Mathieu Kassovitz en 1995 pour réaliser le film « La haine », traitant de thématiques similaires dans la banlieue parisienne. Comme quoi, contrairement à ce que certains pensent, les problématiques de délinquance de l’île sont loin d’être propres à Mayotte puisqu’elles étaient déjà dénoncées dans l’hexagone des années 90 !
Un « tropique de la violence » version positive
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Le film peut faire penser, par les thématiques abordées, au célèbre « Tropique de la Violence » de Manuel Schapira, sorti en 2020, et réalisé d’après le roman de Natacha Appanah de 2016. Le livre, comme le film, avait reçu un accueil mitigé de la part de la population mahoraise pour sa « vision noire » de la situation de l’île qui, pour beaucoup, « ne correspondait pas à la réalité », bien que la notion de réalité soit très subjective en fonction de l’expérience de chacun. Quoiqu’il en soit, le film « Koungou » se pose presque comme « une réponse » à « Tropique de la Violence », une volonté de démontrer que « les problématiques pourront se résoudre grâce aux actions bénéfiques de chacun ». « Tout réussit à celui qui croit », affirme d’ailleurs un personnage d’éducateur dans le film, proverbe mahorais adopté ensuite en guise de « ligne de conduite » par le personnage principal, Hakim. Ce dernier, jeune homme de Koungou pauvre, mais doué à l’école, intègre une « bande de délinquants » suite à sa rencontre avec Isaac, jeune homme de Majicavo élevé par sa tante après que sa mère a été arrêtée par la Paf et à qui elle répète sans cesse « qu’il est un vaurien ». Abordant la thématique, si sensible sur le territoire, des affrontements entre les villages de Koungou et de Majicavo, le film veut démontrer que les jeunes peuvent s’en sortir s’ils sont correctement accompagnés. Le but est donc de délivrer un véritable message d’espoir.
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La délinquance n’est d’ailleurs pas le seul sujet de société abordé dans « Koungou ». Ce film ressemble à un panel de toutes les problématiques sociales que l’on peut trouver sur l’île : les violences conjugales et les addictions (le père de Hakim, alcoolique, bat sa mère), le « confiage » et ses dérives (la tante d’Isaac le méprise et ne le nourrit pas), l’angoisse permanente des habitants des bangas de se faire prendre par la Paf (ce qui arrive à la mère d’Hakim), les caillassages, et quelques autres, plus discrètes, disséminées dans le film. Naftal-Dylan Soibri et Mass Youssoufa s’ingénient, par leur choix d’écriture et de réalisation, à démontrer que, malgré ce cocktail de problèmes, il y a à côté des alliés positifs comme les éducateurs, la famille et même la police, permettant aux jeunes de sortir la tête de l’eau et d’aller vers l’avant. « N’oubliez pas : tout réussit à celui qui croit », affirme Naftal-Dylan Soibri à la fin de la projection, en écho aux nombreuses occurrences de ce proverbe au sein du film. « Je crois en un « Mayotte meilleur », en sa jeunesse et en l’avenir de son cinéma », a-t-il conclu.
Nora Godeau