23.8 C
Mamoudzou
jeudi 19 septembre 2024
[the_ad_group id="6"] [the_ad_group id="4"]
AccueiljusticeJustice – Vol de 200.000 euros de cigarettes pour se payer un...

Justice – Vol de 200.000 euros de cigarettes pour se payer un terrain aux Comores

Ce sont cinq prévenus aux profils très différents qui étaient à la barre du tribunal ce mardi. Au cours de quatre cambriolages, ils avaient dérobé environ 4.000 cartouches de cigarettes, et avait ligoté un gardien de Transit Mahorais. Vidéo surveillance aidant, ils reconnaissaient les faits, mais l’un d’eux s’est écrit un rôle sur mesure, dangereux.

L’affaire de la séquestration du gardien de Transit Mahorais en janvier 2019 lors d’un cambriolage a frôlé les Assises, si la circonstance aggravante de bande organisée avait été retenue. Sollicités par le parquet, les 5 individus à la barre ont convenus se connaître, mais pas avoir préparé le coup ensemble. Les coups plutôt, puisque 5 faits étaient reprochés à cette bande dont l’objectif était de se ravitailler gratuitement en cartouches de cigarettes pour ensuite les revendre. Là aussi, le caractère de filière organisée n’a pu être prouvé.

Un nom et un caractère sortent du lot, ceux de Hibou. S’il nie à plusieurs reprises être le chef, sa réaction ne laisse aucun doute, « madame, vous trouvez qu’ils ont l’air handicapés au point d’avoir besoin que je les dirige ?! », s’adresse-t-il à la présidente de l’audience collégiale Chantal Combo. Sa déférence frise en permanence l’insolence, il joue à la perfection le rôle qu’il s’est donné, celui d’un feuilleton télévisé comme il le dira plus tard.

Les premiers vols de cartouches de cigarette commencent en avril 2018 à la station Total de Dzoumogne, Hibou est déjà là, il est en état de récidive. Puis en juillet 2018, c’est à l’entrepôt de Transit Mahorais à Longoni qu’au moins deux d’entre eux s’attaquent, découpant la tôle, et emportant 16 cartons de 25 cartouches de cigarettes. Une bonne pioche qui les incitera à réitérer en groupe, en janvier 2019, et février 2019, plus de 160 cartons sont dérobés au total, toujours dans la même entreprise.

En matière de cigarettes, il n’y a pas que la fumée qui peut tuer

« Si tu cries une troisième fois, on te tue ! »

Pourtant, en janvier, ça s’était mal passé. Un gardien avait été recruté, d’ailleurs lui-même pris la main dans le sac, et condamné pour ça. Il se retrouve alors face à des cambrioleurs qui se changent en agresseurs. M. est à la barre et raconte. « J’ai entendu du bruit, et l’alarme s’est déclenchée. Je suis sorti, trois personnes sont face à moi, je crie, je me retourne, d’autres sont derrière, et me lancent, ‘si tu cries une troisième fois, on te tue !’ Donc je n’ai plus rien dit, ils m’ont enlevé mon tee-shirt, m’ont bâillonné, et attaché les chaussures avec les lacets. » Il restera plusieurs heures ainsi, « le sang ne circulait plus », mais parvient à sortir les pieds de ses chaussures, et s’enfuit par le trou pratiqué dans le grillage par ses agresseurs. Il donne l’alerte par l’intermédiaire des gardiens du voisinage.

Bien que cagoulés, les individus armés de barres de fer sont identifiés par le système de vidéosurveillance, par l’analyse des fadettes (factures détaillées de téléphone), et par la géolocalisation des téléphones. Ils reconnaissent tous les faits, mais sont plus vague sur ce qui peut lourdement les condamner, la participation au ligotage du gardien.

Lorsque Hibou signalait qu’il revendait le carton de 25 cartouches pour 1.250 euros « à des revendeurs à la barge », la juge sortait sa calculette, « donc vous avez engrangé 200.000 euros de bénéfices ! » De recettes nettes même, et pour en faire ?… Elle obtiendra une réponse sur le même ton supérieur que le reste, « Madame, j’ai des frais, des vêtements et des cartables pour les enfants, un loyer de 400 euros, des factures d’eau et d’électricité, et le reste est parti aux Comores, notamment pour acheter un terrain. » Il distribuera une toute petite partie des fonds à ses comparses, à coup de 2.000 euros et d’octroi de faux papiers.

« On n’est pas les pires à Mayotte »

Cinq prévenus étaient à la barre sur sept

Et lorsque Chantal Combo tente de lui faire prendre conscience de ses actions, c’est une réponse inhabituelle qui l’attend : « Madame la juge, à Majikavo, on a 8 chaînes de télé, dont France 24. Je peux vous dire qu’on n’est pas les pires à Mayotte, il y en a qui volent pour un million. »

Pascal Fossey, gérant de la société Transit mahorais, est là par hasard, « je suis venu soutenir un ami, et j’apprends que je dois venir à la barre ! ». Tout en chiffrant le préjudice à 300.000 euros, il s’interroge, « les cigarettes sont stockés dans un lieu à part, qui leur a dit qu’elles étaient là ? »

Son avocat Mansour Kamardine s’appesantira sur le profil des prévenus, tous nés aux Comores sauf un, A.M. né à Bandraboua, mais néanmoins en situation irrégulière car n’ayant pas effectué de démarche pour régulariser sa situation. « Pourquoi êtes-vous venus à Mayotte ? », interpelle celui qui n’a pas sa casquette de député, mais repris aussitôt par Hibou d’une voix forte, « monsieur Mansour Kamardine l’avocat, ce n’est pas une tribune politique ici. » Un de ses comparses répondra, « pour avoir une vie meilleure ». L’avocat lui fera remarquer que « ce n’est pas en attaquant les entreprises et les gens, qu’on a une meilleure vie. L’un de vous travaille dans une boulangerie, et si on la cambriolait ?! » La juge embrayait en prenant le soin de s’adresser à eux, « il y a plein d’étrangers à Mayotte, et tous ne commettent pas de délits heureusement. »

La salle d’audience du tribunal judiciaire

L’audience, n’est pas un retour à la réalité pour tout le monde

Des échanges qui soulèvent la question des vertus pédagogiques de l’audience. Car on le voit, Hibou est un habitué des prétoires, et apostrophe un avocat qu’il reconnaît, comme on le ferait dans un café. Il n’aura pas été remis à sa place, et bien qu’ayant écopé d’une nouvelle condamnation qui le maintient en prison, il aura fait son show, celui d’un acteur de feuilleton qu’il suit à la télé. Pour preuve, quand on lui demande ce qui se serait passé si le gardien avait crié une nouvelle fois, il rétorque, « ceux qui veulent tuer le président doivent d’abord tuer son gardien. » Son expertise psychiatrique n’a rien donné, « pas de problème de discernement », lira la juge.

La substitut du procureur Cassandre Morvan soulignait qu’on était à la limite de la Cour d’Assises et qu’avec 300.000 euros de préjudice, « on n’est pas dans la délinquance de subsistance mais pour s’enrichir. » Elle demandait 6 ans de prison pour le meneur et 4 ans pour les autres. Deux acteurs sont absents, voir trois, une des identités recouvrant possiblement deux personnes.

En collégialité, les juges auront pris en compte le différentiel de potentiel entre le chef et ses voisins de barre, dont l’un a des enfants handicapés et travaille dans une boulangerie, fera valoir Me Konde, et l’autre n’aurait fait que conduire la voiture transportant les cartouches, « il a fait le mauvais choix », défendra son avocate Me Gibello-Autran.

Hibou retrouvera les menottes qu’il avait à l’arrivée, puisque condamné à 4 ans et 6 mois avec mandat de dépôt, quant aux autres, c’est 2 ans et 6 mois qui sont retenus contre eux, sans mandat de dépôt, ayant déjà quasiment purgé cette peine. L’un des absents sera condamné à la même peine mais avec mandat de dépôt.

Les parties civiles voient leurs intérêts reconnus. Le gardien devra être dédommagé de 3.000 euros, quant à Transit Mahorais, cela se plaidera le 1er décembre.

Anne Perzo-Lafond

RESTONS EN CONTACT

Inscrivez-vous à la lettre d'information du JDM afin de garder en oeil sur l'actualité mahoraise

l'actualité

+26
°
C
+27°
+24°
Mamoudzou
Samedi, 04
Dimanche
+25° +24°
Lundi
+25° +24°
Mardi
+25° +24°
Mercredi
+25° +24°
Jeudi
+25° +24°
Vendredi
+25° +24°
Prévisions sur 7 jours

L’agenda week-end : Focus sur les Portes-ouvertes du RSMA et la finale de Hip...

0
Au programme de ce week-end : La réouverture des Portes ouvertes du RSMA, la dernière journée du Festival de Hip hop Evolution, et apéro concert ce vendredi soir, EDDINE en Showcase, les sorties tranquilles, sans oublier les séances de cinéma
Marie Guévenoux,Patricia Brocard, Sylvain Maillard, Christophe Naegelen, Mayotte, CHM, Assemblée nationale

Visite ministérielle : les ingrédients d’une prise de conscience

0
Elle pourrait presque endosser le statut de guide d’une visite des hauts lieux en tension de Mayotte pour les députés qui l’accompagnent, Marie Guévenoux, qui en est à sa 4ème visite, elle qui fut nommée il y a seulement trois mois, le 8 février 2024
Jade Hôtel & Spa, hôtel, Mayotte

Ouverture prochaine du Jade Hôtel & Spa à Bandrélé

0
Il a monté son projet dans le Sud-Est de l’île : Inzou Ana, entrepreneur local, a toujours rêvé nous dit-on, d’offrir à Mayotte un « hôtel de haut standing ». Nous attendrons donc de tester, mais le...
Air Austral, RunAir, Sematra, La Réunion, Mayotte

Préavis de grève Air Austral : « aucune perturbation à ce jour », indique la compagnie

0
Les trous d’air se suivent depuis la tempête nommée Covid pour la compagnie régionale. Les rallonges de l’Etat puis des actionnaires publics et privés peinent à lui faire relever le nez. Syndicats et direction doivent s’accorder sur l’ampleur de la réduction de la masse salariale incitant le SNPNC-FO à déposer un préavis de grève pour le 10 mai
France Travail, Action recrut', MRS, Mayotte

France Travail : chute des intentions d’embauche entre 2023 et 2024 à Mayotte

0
Une enquête sur les Besoins en main d'oeuvre des entreprises de Mayotte en 2023, permet de cerner à la fois le moral des entreprises et leur capacité à se doter de collaborateurs adéquats. Un marché de l’emploi complexe que celui de Mayotte où le déficit de diplôme pourrait être comblé par de nouveaux dispositifs

Recent Comments