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« Créativité et prestige des femmes à Mayotte » : Elena Bertuzzi a soutenu une thèse sur le debaa

Elena Bertuzzi, anthropologue et chorégraphe bien connue à Mayotte, a soutenu sa thèse sur le debaa le 21 octobre dernier à l’université de Paris Ouest Nanterre La Défense. Cette soutenance est venue conclure un travail de 7 ans sur cet art musico-chorégraphique d’inspiration soufie typiquement mahorais. Composé de sommités internationales du monde de l’anthropologie, le jury a adressé ses félicitations à cette chercheuse italienne qui enseigne l’anthropologie de la danse dans les universités françaises depuis de nombreuses années.

Déjà bien connue du monde culturel mahorais pour ses travaux et évènements autour du debaa, Elena Bertuzzi a conclu ses 7 années de recherches le 21 octobre dernier. « La soutenance s’est très bien déroulée d’autant plus que mon jury était international, ce qui est était très important pour moi », a affirmé la doctorante. En effet, une chercheuse italienne et deux chercheuses anglaises spécialisées en anthropologie de la danse figuraient parmi ce jury dans lequel siégeait également Thomas Mouzard du ministère de la culture. Ce jury a félicité Elena Bertuzzi pour sa soutenance, mais également pour l’ensemble de son travail titanesque autour du debaa. Sa thèse de 750 pages contient en réalité 3 thèses distinctes : une monographie du debaa, une étude de l’éthos des femmes mahoraises reflété par cette danse et une méthodologie sur la manière de faire de la recherche en danse.

La thèse d’Elena Bertuzzi contient également des transcriptions de plusieurs debaa effectuées grâce à la cinétographie Laban. Cette technique permet de transcrire graphiquement des mouvements tout comme les notes transcrivent la musique. Un « solfège du mouvement », en quelque sorte. « Depuis 60 ans les anthropologues de la danse utilisent la cinétographie Laban. Mais son emploi est principalement illustratif. Moi j’utilise ce système de manière descriptive, pour comprendre le mouvement et les relations qu’il permet de créer. », explique Elena Bertuzzi qui a apporté cette nouveauté dans le domaine. Cela s’explique sans doute par la double spécialisation de la chercheuse qui est avant tout chorégraphe. Lors de ses séjours à Mayotte, elle a d’ailleurs pratiqué le debaa avec les femmes mahoraises, ce qui a apporté une valeur inédite à son travail. Rares sont en en effet les anthropologues capables de pratiquer les arts qu’ils étudient. Or, vivre une expérience donne une perspective très différente de celle que l’on peut avoir lorsqu’on se contente d’analyser les choses uniquement d’une manière théorique et intellectuelle.

Le debaa : une manière de conserver les valeurs féminines mahoraises

La thèse d’Elena Bertuzzi, contenant 750 pages, est un travail d’anthropologie inédit à Mayotte.

Les femmes ont développé la pratique du debaa à partir des années 1960. En sachant la place fondamentale qu’ont eue les femmes dans le combat de Mayotte pour rester française, il n’est guère étonnant qu’elles aient eu envie de façonner cet art reflétant leurs valeurs culturelles mais également genrées. Le debaa met en effet en exergue les valeurs féminines mahoraises telles que la réserve, la discrétion, la patience ou encore la douceur. « Le debaa a été une manière pour les femmes de sauvegarder leur patrimoine culturel mahorais face à l’identité comorienne et française », explique Elena Bertuzzi. Il s’agit donc d’une pratique artistique tout à fait spécifique de Mayotte et porteuse d’une identité forte. « Certes, les poèmes chantés au sein du debaa sont issues du soufisme, mais les femmes n’y voient pas de rapport direct avec la religion. Pourtant, quand on analyse de près la structure de cet art, on s’aperçoit que la dimension rituelle est pourtant bien présente, mais d’une manière inconsciente », explique l’anthropologue. Le debaa commence en effet doucement, s’étire progressivement puis se termine en une forme d’exaltation collective proche de celle que peuvent vivre les mystiques. Or, nous le rappelons, le soufisme est justement la branche mystique de l’islam.

« Le debaa semble être, à première vue, une pratique traditionnelle. C’est vrai, mais il laisse en parallèle toute sa place à la créativité des femmes. C’est en cela que certains debaa peuvent être vus comme des créations contemporaines », explique l’anthropologue et chorégraphe, tombée sous le charme de cet art typiquement mahorais. Au-delà de la dimension artistique du debaa, Elena Bertuzzi a été impressionnée par « la philosophie » qui s’en dégageait. « Les groupes de debaa sont en compétition les uns avec les autres, mais sont néanmoins obligés de collaborer entre eux pour fonctionner. La compétition est donc transcendée par une dimension collaborative. Il s’agit de se mesurer à l’autre tout en recherchant une satisfaction de groupe. Pour moi, il s’agit de valeurs typiquement féminines que le debaa est chargé de refléter et de préserver », précise l’anthropologue. Cette préservation culturelle est double : elle préserve « l’islam mahorais », mais également la matrilocalité. « Les groupes de debaa se construisent autour de femmes apparentées », explique l’anthropologue. « En outre, c’est une pratique transgénérationnelle. Les grand-mères s’amusent tout autant que les petites filles au sein de cette pratique artistique », poursuit-elle. « Evidement, cette pratique a aussi été créée dans le but de « préserver » les jeunes filles, mais les femmes mahoraises l’ont rendue tellement attractive et amusante qu’elle continue à attirer les jeunes générations », s’enthousiasme Elena Bertuzzi qui explique cela par le fait que « toutes les générations de femmes y trouvent leur compte car le debaa mêle habilement préservation culturelle et épanouissement personnel ».

L’anthropologue souhaite désormais s’atteler à rechercher les « sources du mbiwi ». « Les origines du mbiwi sont à chercher du côté du Mozambique et de Zanzibar », indique-t-elle. Pourquoi le mbiwi après le debaa ? « Le debaa est une pratique qui fait intervenir uniquement le haut du corps. Je souhaite m’intéresser désormais aux « danses du bassin ». Le mbiwi est en outre une pratique artistique liée à la vitalité et à la relation à la terre. Cela m’intéresse beaucoup », explique la chercheuse qui n’en a donc pas terminé avec l’île aux parfums dont les pratiques sont encore trop peu étudiées à l’heure actuelle.

Nora Godeau

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