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Jugement tardif d’un trafic de « chimique » de « très grande ampleur »

Arrivée sur le territoire en 2014, on ne savait pas à quelle catégorie ranger cette substance qui fait encore de gros dégâts chez ses consommateurs. La « chimique » était au banc des accusées ce mercredi, au trafic organisé par 20 individus, dont l’une est affichée comme la baronne de l’organisation.

« L’affaire est partie en 2015 d’un constat fait par la gendarmerie sur de nombreux mis en cause dans des délits violents, diagnostiqués sous emprise de drogue ‘chimique’ ou qui avaient commis des méfaits pour s’en procurer. Le lien était fait avec des informations recueillies par la Section de recherche de Pamandzi qui portent sur la vente de ‘chimique’ ou de ‘mangrove’ ». Face à Kamel Souhail, le président de l’audience ce 16 juin 2021, 4 prévenus sur les 20 que compte cette affaire qui date d’il y a 6 ans.

A l’époque, quand on parle de « chimique », on comprend que cela n’a rien à voir avec une équation scolaire, mais d’une substance qui semble dangereuse. Elle n’est pourtant pas encore appelée drogue, car issue d’un assemblage de plusieurs produits dont certains« pharmaceutiques ». Le seul biais trouvé par le législateur à l’époque est d’ailleurs d’accuser les auteurs de ces trafics d’exercice illégal de la profession de pharmacien.

La première grosse condamnation d’un trafiquant en 2016 vise C.H., un métropolitain habitant Koungou, employé au service informatique au conseil départemental. Ecroué deux auparavant à Majikavo, c’est via une société créée en auto-entreprenariat en 2013 qu’il importait la drogue de Chine en passant commande sur internet. Son nom était cité à longueur de procès ce mercredi 16 juin, comme étant celui qui a introduit cette substance à Mayotte.

Un autre nom sortait du lot parmi les 20 prévenus, celui d’une portugaise, T.R. sa complice dans la 1ère affaire, et considérée comme la baronne de ce trafic. « C’est un trafic de très grande ampleur », estimera le juge.

Ludovic Folliet: « La chimique, à l’époque ou aujourd’hui, c’est un fléau »

3.000 euros en un jour

Pour clarifier les substances, le président d’audience proposait une brève séquence du type « C’est pas sorcier ». En ce qui concerne « la ou le chimique », l’article n’est pas encore défini…, « il s’agit de tabac imprégné d’alcool modifié à 70 degrés ou de rhum, qui est séché pour pouvoir ensuite le fumer. » Alors que la « mangrove », c’est « l’ajout d’une algue ‘uruva’, interdite en 1997 comme appât car elle empoisonne les poissons, qui provoque l’obtention d’une substance proche des amphétamines ».

Le chef d’accusation est curieusement rédigé, fera plus tard remarquer un avocat, « provocation à usage de substance ayant effet de stupéfiant ». Traduisant toute la difficulté de la qualification des faits face à cette substance « cannabinoïde de synthèse » qui n’était pas sur la liste des stupéfiants. Pendant cette période de juin 2015 à février 2016, l’argent va couler à flot pour les organisateurs du trafic,  » sont cités comme les principaux bénéficiaires T.R. et son mari, C.H. ainsi qu’un policier municipal* de Pamandzi ». Un des revendeurs avouait avoir revendu 3.000 euros de produits en un jour, et la « baronne », aurait gagné 500.000 euros sur la période du trafic. « Pour s’approvisionner, elle demandait à ses 13 revendeurs d’acheter du tabac ‘domingo’ dans un supermarché de Kawéni, et s’est rendue trois fois à Londres, en Angleterre, pour se fournir en poudre chimique », retraçait le juge. D’autres faisaient venir les produits par colis postaux, « ou par DHL ».

Parfois les rouages se grippent pour celle qui est à la tête du réseau, notamment quand la triste loi du marché s’en mêle, « elle revendait les paquet de chimique à 150 euros pièce, mais baissait parfois le prix pour attirer plus de clients. T.R. s’est quand même offusquée que certains de ses revendeurs soient devenus des fournisseurs avec des prix 6 fois supérieurs », raille Kamel Souhail, dans un des rares moments de détente, au regard des enjeux et des impacts.

Plus toxico que baronne

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Deux hommes présentés comme étant sous « chimique » dans le quartier Jamaïque de Mamoudzou en 2017 dans le reportage

Car en 2017, un reportage diffusé par France 24, « La ‘chimique’, la drogue qui transforme les jeunes de Mayotte en zombies », fait état des dégâts que cause cette drogue chez ses consommateurs, « la personne reste en fait hébétée, comme un zombie. Parfois, des effets d’agitation, de paranoïa, de désinhibition, d’anxiété et de panique apparaissent ». Kamel Souhail rappelle même que cette substance avait fait un mort à l’époque.

Pour Me Bazzanella, sa cliente est plus toxico que baronne : « Après avoir fui le Portugal à 14 ans, elle est tombée dans la drogue. Elle est endettée, dépressive et fragile, et elle pensait que la substance était licite. Elle était active à Mayotte puisqu’elle travaillait comme responsable administrative et financier aux Naturalistes. Dans cette affaire, il y deux sortes de prévenus, ceux qui s’enrichissent, et ceux qui sont tombés dans la drogue ». Ponctuant cette intervention, un silence éloquent signifiait qu’elle réunissait à elle seule les deux catégories, pour plagier Brassens.

La ligne de défense des prévenus étant axée sur l’absence de législation entourant la « chimique » à l’époque, le substitut du procureur Ludovic Folliet invitait à regarder les choses en face : « La chimique à l’époque ou aujourd’hui, c’est un fléau. Il provoque chez ses jeunes consommateurs un état psychique déplorable et un état physique dégradé. Si cette affaire n’avait pas pris tant de temps à être jugée, j’aurais demandé des mandats de dépôt. » Un affaire qui a mis du temps à être jugée, ce qui fut préjudiciable à l’un des prévenus présent, F., manifestement impliqué malgré lui par… son père, qui lui avait glissé 2.000 euros pour qu’il s’approvisionne en métropole. Ce qu’il n’a pas fait. Ce militaire s’était retrouvé en préventive, « j’ai toujours cherché à prendre le contrepied de ce que faisait mon père », soutenait-il à la barre, avant de craquer sur le banc des accusés.

Des explications qui lui vaudront une demande de relaxe de la part du parquet. Qui prononçait pour les autres des réquisitions différenciées : une peine mixte de deux ans de prison avec un an de sursis probatoire pour la supposée chef de réseau doublée de 10.000 euros d’amende, et pour les autres prévenus, des amendes de 2.000 à 15.000 euros et entre un an et 15 mois de prison, avec sursis pour certains, et ferme pour d’autres.

L’affaire a été mise en délibéré.

Anne Perzo-Lafond

*Renseignements pris, l’homme était en contrat d’insertion à la Police municipale de Pamandzi, il n’est donc pas policier

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